Lit de luohan aux marbres
Au mois de juin 2022, en partenariat avec la galerie Jacques Barrère, la galerie Luohan rendra hommage à un personnage très controversé, à la foi grand écrivain et célèbre collectionneur d’art asiatique. Au sein de l’exposition de Chevaux Célestes présentée par la galerie Jacques Barrère, la galerie Luohan exposera dans les murs de la rue Mazarine, une pièce exceptionnelle de l’ancienne collection de Paul Morand, un lit de Luohan en laque à fond noir, ornée de nacre et de marbres de Dali.
Entre chevaux et personnages courant de la dynastie des Han à celle des Tang, la forme compacte et robuste de notre pièce semble flotter sur ses petits coussins polyédriques. Cette allure puissante et légère marque le statut social de son propriétaire. Le décor composé d’un ensemble exceptionnel de marbres montés sur le dossier et les accotoirs révèle son éducation lettrée.
Ces « pierres de rêve » évoquent des paysages montagneux, où l’on ne distingue que des traces à travers les nuées. Ces images puissantes sont nées d’un remarquable travail à l’encre de Chine sur le dessin naturel du marbre. Au moyen d’une large palette de traits et de touches, le peintre dévoile les veines profondes de la pierre. A côté de longs traits denses et de lavis estompés, des petites touches rapprochées produisent les effets mouchetés de différentes textures et rugosités rocheuses. Sur le dossier, le panneau central fait apparaître de douces et lointaines collines, tandis que de chaque côté, des torrents fougueux déchirent les pentes abruptes des plaques latérales. Sur les accotoirs, des pics acérés réveillent les lacs embrumés.
La diversité de cet album s’exprime dans une cohérence qui révèle la maitrise de l’artiste et la sensibilité de son commanditaire. Fidèle à la tradition lettrée, le peintre a réalisé une oeuvre à la fois élégante et puissante.
Rares sont les pièces de mobilier où ce travail est encore visible aujourd’hui. Le nettoyage excessif l’a souvent estompé, voire totalement effacé. Sa grande qualité artistique a sans doute commandé cette exceptionnelle préservation.
Elargissant notre regard par-delà les frontières et le temps, sous les effets d’une sensibilité humaine, universelle, l’art du pinceau, les effets atmosphériques et les déformations étranges évoquent, ici, presque naturellement le travail de peintres européens impressionnistes et modernes. On se prête à imaginer le poète Paul Morand alangui sur cette couche, perdu dans la géographie trouble de ces paradis imagés.
Laque noire incrustée de nacre, les accotoirs et le dossier ornés de plaques de marbre de Dali, les veines rehaussées à l’encre de Chine.
Dynastie Qing (1644-1911) fin du XVIIIème siècle, Chine, province du Shanxi
220 x 124 x H110.5cm=8+43+59.5cm
Provenance :
Ancienne collection de Paul Morand, vendu en novembre 1977 par Ader-Picard-Tajan.
Références :
Reproduit par un dessin dans “Le Mobilier Chinois”, C. et M. Beurdeley, Office du Livre 1979, page 120.
Un modèle en huanghuali conservé au Musée National Historique de Pékin, présente une composition similaire des accotoirs et du dossier.